L’intelligence artificielle dans la recherche en santé mentale : nouvelle étude de l’OMS sur les applications et les défis

L’intelligence artificielle dans la recherche en santé mentale : nouvelle étude de l’OMS sur les applications et les défis

Si l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les services de santé mentale et dans le domaine de la recherche s’avère prometteuse, une nouvelle étude met en avant des lacunes importantes pouvant être révélatrices d’une promotion trop accélérée de nouveaux modèles d’intelligence artificielle dont la viabilité dans le monde réel n’a pas encore été évaluée. 

Comment l’intelligence artificielle peut soutenir les services de santé mentale  

En 2021, plus de 150 millions de personnes souffraient d’un problème de santé mentale dans la Région européenne de l’OMS. La situation a empiré ces dernières années en raison de la pandémie de COVID-19. Les populations ont été en effet moins en mesure d’accéder aux services, et l’aggravation du stress, les conditions économiques défavorables, les conflits et la violence ont montré à quel point la santé mentale peut être vulnérable. 

Parallèlement, l’intelligence artificielle est à l’origine d’une révolution dans le domaine médical et des soins de santé. Elle est considérée comme un outil innovant pour la planification des services de santé mentale ainsi que pour le recensement et le suivi des problèmes de santé mentale chez les individus et les populations. Les outils assistés par intelligence artificielle peuvent utiliser des données numérisées sur les soins de santé disponibles sous différents formats (dossiers médicaux électroniques, imagerie médicale, notes cliniques manuscrites) afin d’automatiser les tâches, de soutenir les cliniciens et de permettre une meilleure compréhension des causes de troubles complexes.  

Le « Plan d’action régional pour la santé numérique dans la Région européenne de l’OMS 2023-2030 », lancé en septembre 2022, reconnaît également la nécessité d’innover dans l’analyse prédictive en vue d’améliorer la santé grâce aux mégadonnées (« big data ») et à l’intelligence artificielle.  

« Compte tenu de l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle dans les soins de santé, il importe d’évaluer l’état actuel de l’application de l’intelligence artificielle pour la recherche en santé mentale afin d’informer sur les tendances, les lacunes, les opportunités et les défis, » explique le docteur David Novillo-Ortiz, conseiller régional pour les données et la santé numérique à l’OMS/Europe, et coauteur de l’étude. 

Les défis  

La publication intitulée « Défauts méthodologiques et de qualité dans l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la recherche en santé mentale : un examen systématique » et rédigée par des experts de l’Université polytechnique de Valence (Espagne) et de l’OMS/Europe examine l’utilisation de l’intelligence artificielle pour les études sur les troubles de santé mentale entre 2016 et 2021.   

« Nous avons remarqué un déséquilibre dans l’utilisation des applications d’intelligence artificielle dans la recherche en santé mentale. Celles-ci sont surtout employées dans l’étude des troubles dépressifs, de la schizophrénie et d’autres troubles psychotiques. Cette constatation est révélatrice d’une lacune importante dans notre compréhension de la façon dont ces applications peuvent être utilisées pour étudier d’autres troubles mentaux, » ajoute le docteur Ledia Lazeri, conseillère régionale pour la santé mentale à l’OMS/Europe. 

Grâce aux possibilités offertes par l’intelligence artificielle, les responsables politiques peuvent prendre connaissance des stratégies plus efficaces pour promouvoir la santé et de l’état actuel des troubles mentaux. Or, l’intelligence artificielle implique souvent le recours complexe à des statistiques, à des approches mathématiques et à des données hautement dimensionnelles susceptibles d’engendrer des biais, de mener à une interprétation inexacte des résultats et de considérer la performance de l’intelligence artificielle avec un optimisme excessif en cas d’utilisation inadéquate. L’étude met en évidence des lacunes importantes dans le traitement des statistiques par les applications d’intelligence artificielle, ainsi que la validation peu fréquente des données et la faible évaluation du risque de partialité.  

En outre, plusieurs autres domaines sont aussi sources de préoccupation, comme le manque de transparence des rapports sur les modèles d’intelligence artificielle qui nuit à leur reproductibilité. Il ressort de cette étude que les données et les modèles restent pour la plupart privés, et que les chercheurs collaborent peu entre eux.  

« Le manque de transparence et les défauts méthodologiques sont préoccupants car ils retardent l’application pratique et en toute sécurité de l’intelligence artificielle. En outre, l’ingénierie des données pour les modèles d’intelligence artificielle semble être négligée ou mal comprise, et les données ne sont souvent pas gérées de manière adéquate. Ces lacunes importantes peuvent être révélatrices d’une promotion trop rapide des nouveaux modèles d’intelligence artificielle sans que l’on prenne le temps d’évaluer leur viabilité dans le monde réel, » explique le docteur Novillo-Ortiz. 

« L’intelligence artificielle est la pierre angulaire de la révolution numérique à venir. Cette étude nous a permis d’entrevoir ce qui nous attend ces prochaines années et ce qui incitera les systèmes de soins de santé à adapter leurs structures et leurs procédures afin de progresser dans le domaine de la prestation de services de santé mentale, » ajoute Antonio Martinez-Millana, professeur adjoint à l’Université polytechnique de Valence et coauteur de l’étude. 

Certains résultats de l’étude ont été présentés lors d’un événement organisé par l’OMS/Europe le 7 décembre 2022. Intitulé « Big data analytics and AI in mental health » [L’analyse de mégadonnées et l’intelligence artificielle en santé mentale], l’événement a réuni des experts de la Région européenne en vue d’examiner la façon d’utiliser de manière réaliste les modèles d’intelligence artificielle dans la planification des services de santé mentale, ainsi que les facteurs de sécurité et de réussite, tels que la participation de personnes souffrant de troubles mentaux au processus de développement et de mise au point.

Actualité Informatique Sécurité